La Voix Des Animaux
12/05/2023
Sur l’échelle de l’Histoire, la présence du hérisson n’est pas récente. D’après les scientifiques, il serait apparu au cours de la période du miocène il y a 15 millions d’années, bien avant l’arrivée des mammouths. Pourtant, plusieurs études indiquent la disparition du Hérisson d’Europe Erinaceus europaeus Linnaeus dans quelques années : 2025 pour certains, 2050 pour d’autres. Qu’en est-il ? Le Hérisson d’Europe est-il réellement menacé d’extinction ? Dans l’affirmative, quels sont les différents facteurs concernés ?
Une espèce en déclin ?
Aussi étrange que cela puisse paraître, le Hérisson d’Europe était considéré, en France, comme une espèce nuisible jusqu’en 1981. Il est désormais une espèce totalement protégée suite à l’arrêté du 17 avril 1981, puis du décret du 23 avril 2007. Il est donc interdit de détruire, mutiler, capturer ou encore perturber de manière intentionnelle ce mammifère. Il est également interdit par la loi de détruire ou de dégrader un site de reproduction ou une aire de repos. Toutefois, le code de l’environnement prévoit des exceptions à cette interdiction. Aussi, la France fait partie des pays signataire de la convention de Berne depuis le 19 septembre 1979, texte juridique international ayant pour vocation la conservation de la flore et de la faune sauvage.
La liste rouge de l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature) classe le Hérisson d’Europe en préoccupation mineure. Autrement dit, pour les experts de la Commission de sauvegarde des espèces de l’IUCN, le risque de disparation est faible, car sa population est, selon les estimations, globalement stable en Europe. Aussi, le Hérisson d’Europe est toujours actuellement considéré comme une espèce commune, contrairement au lynx et à l’ours dont les effectifs sont fragiles. Petit bémol, les évaluations commencent à dater, la dernière remontant au 9 septembre 2016.
D’après plusieurs études britanniques, le Royaume-Uni aurait perdu 50 % de sa population de hérissons au cours des vingts dernières années. Quid de la France ? Notre État manque de données sur l’effectif de cet animal puisqu’il n’y a pas eu de recensement scientifique, mais il n’y a pas de raisons de penser que la situation soit hélas différente. Pour pallier ceci, une enquête de sciences participatives appelée « Mission Hérisson » dirigée par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) est en cours depuis 2020 et a pour but d’étudier l’évolution de la population du Hérisson d’Europe dans notre pays. En parallèle, plusieurs associations (dont la LPO) et ONG essayent d’alerter les politiques sur les différentes menaces qui pèsent sur ce petit mammifère. Fait peu rassurant, les centres de soins pour faune sauvage constatent un nombre croissant de hérissons dans leurs structures d’année en année dans des états de plus en plus graves.
Les activités humaines mises en cause
Notre modèle agricole, caractérisé par une industrialisation massive de nos cultures, a très souvent recours à l’utilisation de produits phytosanitaires, dont les pesticides. Les insecticides provoquent la raréfaction de la nourriture des hérissons. En effet, cette espèce est omnivore, mais elle a une préférence pour les coléoptères, les chenilles et les vers de terre. Elle peut être également amenée à consommer des insectes contaminés par ces pesticides. Ainsi, ils affaiblissent le système immunitaire des hérissons et créent un terrain favorable au développement de parasites et de maladies.
Les infrastructures humaines sont également impliquées dans ce déclin. L’artificialisation des sols (ex : routes, voies ferrées) ainsi que les clôtures des jardins et la destruction des haies provoquent la dégradation voire la perte de leur habitat. D’après la SFEPM (Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères), les collisions avec les véhicules tueraient entre 1 et 3 millions de hérissons chaque année en France.
Le réchauffement climatique menace de plus en plus l’équilibre du cycle des hérissons. En temps normal, les bébés, appelées choupissons, naissent en été, leur laissant le temps de se développer correctement pour rentrer en hibernation quelques mois plus tard. Néanmoins, il est de plus en plus fréquent d’avoir des naissances en automne ou même à la fin de l’hiver en cas de températures douces. Cela engendre des problèmes pour trouver de la nourriture à ces périodes de l’année, et de ce fait impacte la survie des jeunes hérissons. Aussi, ils peuvent mourir de faim en cas de sécheresse des sols. En effet, il est de plus en plus compliqué pour un hérisson de se nourrir. La terre devenant trop dure à gratter, il est donc plus difficile de trouver des vers de terre. Par ailleurs, la recherche d’un point d’eau est là aussi plus ardue puisqu’il doit parcourir des distances de plus en plus longues pour en trouver. Il faut également mettre en lumière le problème de la qualité de l’eau lié à la présence de pesticides et métaux lourds, impactant là aussi leur santé.
Ainsi, plusieurs facteurs d’origine humaine mettent à mal l’habitat, l’alimentation et le cycle de reproduction de ce petit mammifère. Il n’est pas le seul concerné puisque toutes les autres espèces sont touchées, y compris l’Homo sapiens. Au-delà des gestes individuels qu’il est possible de faire au quotidien, un changement systémique de notre modèle économique et sociétal occidental est nécessaire pour faire face à ces problématiques. À quand des politiques ambitieuses pour la protection du vivant ?
Envie d’aller plus loin ?
Sauvons les hérissons – Monika Neumeier
Histoire(s) d’aider les animaux, manuel pas bête de cohabitation avec le sauvage – Lucie Yrles et Maëlle Kermabon
Participer à la « Mission Hérisson » : missionherisson.org
Et pourquoi pas faire du bénévolat ? Les centres de soins pour faune sauvage ont très souvent besoin de bénévoles : reseau-soins-faune-sauvage.com
Par Caroline.C
La Voix Des Animaux